Le pont de Sotra de Norconsult : une approche de construction 100 % numérique

Découvrez comment le lauréat du prix Autodesk Design & Make Award a utilisé des processus numériques pour bâtir le pont norvégien de Sotra et surmonté les défis liés.


Le nouveau pont de Sotra enjambera avec majesté les fjords norvégiens, faisant écho à l’avenir des infrastructures numériques.

Crédit : Norconsult.

 Rendu de vue aérienne d’un pont suspendu au-dessus d’une mer calme, au coucher du soleil, avec de part et d’autre, une ville et des collines.

Mark De Wolf

6 octobre 2025

min de lecture
  • En Norvège, le premier pont suspendu entièrement numérique est long de 900 m et relie l’île de Sotra à la ville de Bergen.

  • Le nouveau pont de Sotra a été conçu en seulement deux ans et a reçu le concours d’experts de trois continents.

  • Afin de pouvoir créer cette prouesse d’ingénierie, une équipe mondiale a exploité les solutions numériques, notamment Revit d’Autodesk, Civil 3D, Inventor, Navisworks, Autodesk Platform Services et Autodesk Construction Cloud.

Les entreprises du secteur de l’architecture, de l’ingénierie, de la construction et de l’exploitation (AECO) ont été mises à l’épreuve par le changement climatique, la pandémie, les troubles géopolitiques et les fluctuations économiques. Les plus performantes s’en sont très bien sorties. Si la technologie a apporté certaines solutions, l’expertise et la créativité ont fait le reste. Dans un secteur où plus de 64 % des entreprises se décrivent comme ayant atteint la maturité numérique, l’association des plateformes du cloud à l’innovation et à l’adaptabilité a permis au secteur AECO de tirer son épingle du jeu, d’exceller et de remporter des victoires non négligeables en cours de route. 

L’un des projets illustrant une approche de construction pilotée par les données est le nouveau pont suspendu de Sotra en Norvège : il a remporté le prix Autodesk Design & Make Award 2024 pour l’utilisation la plus innovante d’Autodesk Platform Services. La conception, l’ingénierie et la gestion de projet de ce pont, actuellement en construction, ont toutes été menées intégralement dans la sphère numérique par le cabinet d’architecture et d’ingénierie norvégien Norconsult, sans s’appuyer sur les dessins papier traditionnels. Grâce à l’utilisation d’une plateforme cloud Design & Make, l’équipe a été en mesure de capturer et de connecter d’énormes volumes de données pour la modélisation 3D, la communication d’informations, le contrôle des coûts et la gestion du site. De plus, les interfaces de programmation d’application (API) ont joué un rôle dans la création de flux de travail personnalisés de bout en bout et dans l’analyse et l’optimisation des conceptions numériques.

Des conceptions numériques pour des portées physiques

 Rendu d’une perspective frontale d’un pont suspendu montrant des véhicules le traversant, avec des bâtiments industriels sur le bord de mer.
Le rendu virtuel destiné au monde réel : la conception numérique du nouveau pont de Sotra souligne la précision de la modélisation virtuelle dans le développement de l’infrastructure physique. Crédit : Norconsult.

Le nouveau pont de Sotra est un élément majeur du projet routier national norvégien Sotrasambandet, un partenariat public-privé d’un budget de 19,8 milliards de NOK (1 549 444 140 €) et actuellement le contrat le plus élevé pour un projet d’infrastructure en Europe.

Lorsqu’il ouvrira ses quatre voies de circulation l’été 2027, ce pont suspendu d’une longueur de 900 m enjambera le fjord qui sépare l’île de Sotra du reste de l’archipel atlantique norvégien. Avec des pylônes s’élevant à 145 m au-dessus de la mer, le pont relie Sotra et l’autoroute de 9,4 km qui mène à Bergen non loin de là.

Le projet a été piloté par le consortium Sotra Link, la responsabilité de la conception incombant à Norconsult, et la construction à ses partenaires Webuild, FCC Construcción et SK Ecoplant.

Apporter la preuve que les processus numériques pouvaient éliminer les risques de l’exécution et donner aux clients une plus grande visibilité des progrès ont été essentiels pour garantir leur adhésion. « Nos clients veulent un pont construit avec les meilleures méthodes, et dans le meilleur état possible, fait remarquer Vegard Gavel-Solberg, directeur d’équipe sur les projets de ponts chez Norconsult. Les maquettes numériques aident vraiment à réduire les erreurs durant la construction parce qu’elles mettent en relief les tâches de chaque entrepreneur et leur compréhension du projet dans sa globalité. »

Compte tenu de l’importance du budget soutenu par les fonds publics et de la réputation de la Norvège pour ses constructions respectueuses de l’environnement, personne ne doutait de la qualité de conception et de construction du pont. Toutefois, vu les complexités liées à la topographie, le projet allait donner du fil à retordre. « L’une des problématiques que nous avons en Norvège, c’est que c’est un pays enneigé, explique Vegard Gavel-Solberg. Nous avons une météorologie tumultueuse, il pleut beaucoup et il neige beaucoup. Et notre paysage est très découpé. Tous ces éléments ont donc des conséquences sur la façon dont nous devons concevoir les ponts en Norvège, afin d’optimiser le contexte économique global lors de la durée de vie du pont. »

Le contrôle des coûts grâce aux données

Coupe numérique d’un pont suspendu qui illustre les éléments structurels, les passerelles pour piétons et les systèmes mécaniques.
Une maquette créée avec Autodesk Navisworks montre une vue en coupe détaillée d’une travée du nouveau pont de Sotra. Crédit : Norconsult.

Norconsult s’est appuyé sur le logiciel Autodesk Construction Cloud, qui englobe des outils de communication, de gestion de projet et de contrôle des coûts, afin de garantir la livraison de ce projet complexe dans les délais et le budget impartis.

Pour que tous les partenaires du consortium puissent travailler en pleine harmonie, il a fallu quasiment éliminer le papier. L’équipe de Norconsult déclare avoir pu réduire de 99,5 % la dépendance aux dessins papier pour le nouveau pont de Sotra, comparé aux projets de ponts similaires réalisés par le passé. « Les ponts sont des structures géométriques complexes, ajoute Vegard Gavel-Solberg. Par conséquent, un grand nombre d’éléments sont difficiles à saisir en quelques plans simplifiés sur un dessin physique. Beaucoup de monde participe à la conception, la construction et l’entretien d’un pont, et une maquette 3D donne à chacun l’occasion de voir le projet dans sa globalité. La manière dont chaque petite partie affecte les autres éléments du projet. Les maquettes 3D sont géniales pour ça. »

Les API d’Autodesk Platform Services ont aidé Norconsult à harmoniser et à connecter les flux de travail pour créer cette conception numérique complexe. Les API, notamment Data Management, Model Derivative, Viewer, ACC et Design Automation, ont donné à l’équipe la flexibilité de répondre aux impératifs uniques de flux de travail du projet, en combinant un volume énorme de maquettes et de fichiers sans compromettre la qualité des données. 

« Nous avons utilisé les API pour valider les données et nous assurer qu’elles étaient factuellement correctes, qu’il s’agissait du bon type de données, et pour les formater correctement. Les API ont grandement simplifié l’extraction et l’échange de données, ce qui nous a fourni des données bien structurées comme base de travail », renchérit Thomas Ostgulen, responsable BIM de Norconsult pour ce projet.

Les gains de temps, d’efforts et de complexité ont été impressionnants. L’équipe a pu réduire le nombre de dessins de 4 000 pour un dernier projet comparable de l’entreprise, à seulement quinze pour le nouveau pont suspendu numérique de Sotra. Elle a également capturé et stocké 60 millions de points de données de 211 modèles différents comprenant plus d’un million d’objets séparés. Par ailleurs, l’automatisation a réduit le nombre de tâches répétitives sur le projet et a simplifié les processus relatifs au suivi des problèmes, aux demandes d’informations et aux réponses.

Le gouvernement norvégien exige une approche pilotée par les données

Bien que l’architecture ait toujours poussé la transition du secteur AECO vers le numérique, en l’occurrence, les réglementations norvégiennes exigeaient des documents numériques dans le cadre du processus d’appel d’offres. « Le gouvernement a exigé que le pont de Sotra soit livré via openBIM à tous les stades du projet, ajoute Thomas Ostgulen. »

« De la conception à l’entretien en passant par la remise du projet et son exploitation, le gouvernement nous pousse à être pilotés par les données, reprend-il. Le fait de disposer de toutes les données traduites sous forme de maquettes plutôt que des dessins a ouvert les yeux de notre client sur le potentiel énorme d’économies et d’efficience. Sachant que 80 % du coût d’un bâtiment au cours de sa durée de vie ont trait à la gestion des infrastructures, la construction ne représente que la face visible de l’iceberg. Je pense que c’est ce qui a motivé nos clients à procéder de cette manière. »

Thomas Ostgulen ajoute que le pont est prévu pour durer au moins 100 ans, « par conséquent, il nous faut optimiser les solutions pour qu’elles résistent au passage du temps et soient encore valables au siècle prochain ».

Une construction durable dès le début

Rendu d’une vue aérienne d’un pont suspendu qui relie deux zones au-dessus d’une voie navigable, avec des voitures circulant dans les deux sens et des résidences visibles au premier plan.
Le nouveau pont de Sotra, symbole d’ingénierie durable, incarne l’engagement de la Norvège en faveur de pratiques de construction responsables pour l’environnement. Crédit : Norconsult.

L’approche numérique de l’équipe de Norconsult les a aussi aidés à respecter les objectifs de développement durable de leur client. En Norvège, les projets publics sont, par défaut, respectueux de l’environnement. Si une soumission à un appel d’offres n’est pas entièrement  durable, de la conception jusqu’à la construction et la gestion des infrastructures, on part du principe que le coût global devra diminuer d’environ un tiers pour avoir une chance de remporter l’appel d’offres.

Alors, pourquoi ne pas respecter les objectifs écologiques dès le début ? Dans le cas du nouveau pont de Sotra, les outils de conception numérique comme Revit d’Autodesk ont permis aux architectes et aux ingénieurs de Norconsult de faire des choix plus éclairés en matière de conception et de matériaux. Ils ont également pu modéliser le comportement du pont pour s’assurer qu’il résisterait aux intempéries extrêmes tout en émettant moins de carbone.

« Cela peut s’avérer compliqué, explique Terje Fjellby, conseiller BIM chez Norconsult. Lorsqu’on tient compte des délais de réalisation de certains projets d’infrastructure, la période où l’on commence à planifier un projet jusqu’à sa construction devient un facteur de complication. Certains projets que nous réalisons ont été approuvés bien avant l’Accord de Paris. Nous devons désormais adapter des décisions prises avant que nous ayons pris conscience que le changement climatique allait être le moteur de la conception. Ceci est une problématique que les outils numériques peuvent nous aider à résoudre. Nous pouvons charger les données et revenir aux phases initiales des projets et les repenser. Est-il acceptable de construire cette route de cette manière ? Faut-il revoir le projet à la baisse, faut-il réduire la vitesse, revoir les lignes de visibilité ? C’est ça notre prochaine étape. »

La flexibilité nécessaire pour modifier les objectifs d’exploitation et de maintenance inclut la phase après remise du projet. Lors de celle-ci, les responsables du nouveau pont de Sotra seront en mesure d’utiliser les capteurs intégrés de la structure pour exploiter un jumeau numérique et évaluer les flux de circulation, les tensions structurelles, les vibrations, la météo, la consommation d’énergie, et d’autres questions pertinentes à l’écologie locale en temps réel.

Les ouvrages publics s’accompagnent de défis et de contraintes uniques. Néanmoins, l’utilisation des API et des plateformes cloud pour une livraison numérique permet d’alléger la conception et la construction d’une infrastructure. Cela peut également simplifier l’harmonisation des données et le contrôle qualité. 

« Ce n’est pas humainement possible d’évaluer et de contrôler la qualité sur 60 millions de points de données, conclut Thomas Ostgulen. Ce serait voué à l’échec. Par conséquent, les solutions automatisées ont été cruciales dans ce projet. »

Mark De Wolf

About Mark De Wolf

Mark de Wolf est journaliste et rédacteur indépendant récompensé. Il est spécialiste des nouvelles technologies. Né à Toronto au Canada, Mark est actuellement basé à Zurich en Suisse, après avoir vécu à Londres. Contactez-le sur markdewolf.com.

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